Une bruyante photographie.
Reportage au festival Le Grand Album à Chalon
sur Saône,
ville natale de l'inventeur de la photographie.
C'est un bijou sonore de quarante minutes qu'a réalisé
Yann Paranthoën
sur l'unique image connue de Nicéphore Nièpce, "point
de vue pris d'une
fenêtre du Gras" (vers 1826), qui fait de ce dernier
l'inventeur de la
photographie.
Pour "Maiz' où donc est Nicéphore", Paranthoën
est parti sur les traces
du document et de son auteur. Il s'est donc rendu à Chalon sur
Saône,
ville natale de Nièpce, où un musée, une statue
et une avenue rendent
hommage à l'enfant du pays. [...]
Paranthoën a interrogé deux "populations": les spécialistes
du musée
Nièpce et les Chalonnais. La force du document, souvent très
drôle,
tient dans le décalage vertigineux entre les experts et "l'honnête
homme".
Les premiers apportent des informations doctes et précises sur
un homme
"physiquement assez sec, 1,76m, cheveux chatain, yeux gris, menton
rond,
visage ovale, front large" et sur une photo -procédé,
motifs de l'image-
réalisée depuis une fenêtre de maison de campagne,
proche de la ville.
Et les Chalonnais?
Paranthoën, "légende vivante de la maison de radio",
leur a montré la photo,
expliquant qu'il participait à un jeu radiophonique avant de
poser la question:
Où la photo a-t-elle été prise?
Et c'est bien là que le sujet prend son épaisseur poétique,
tant les habitants
pataugent.
Extraits:
"Houla! C'est la tour du Doyenné? Ou alors c'est l'hopital."
"Il faudrait demander à quelqu'un qui s'occupe des vieilles
pierres."
"Evidemment, c'est brouillé exprès, sinon, ce serait
trop facile!"
"De près, je ne vois pas grand chose; de loin..."
"C'est pris sur des ramparts..."
Jusqu'à Monsieur, très assuré:
"Vous tournez à gauche, à droite, et vous y êtes..."
On n'y est pas, mais il ne faut pas accabler les Chalonnais. D'abords
parce
que certains ont la bonne réponse. Surtout parce que ces réactions
sont exemplaires
du gouffre - et pas seulement à Chalon - entre des experts repliès
dans leur musée
et les gens de la rue.
Comment tous peuvent-ils dialoguer à nouveau et vivre ensemble?
Comment une figure patrimoniale peut-elle avoir encore une "actualité"
dans la ville?
Ce sont ces questions que pose magistralement Paranthoën qui,
de plus, a su faire
"parler" la photographie avec du son bien mieux que toutes les rares
émissions
spécialisées à la télévision.
Extrait "Le monde télévision" Dimanche 8 octobre 2000.
par Michel Guerrin.
Emission : "Surpris par la nuit" du 9 octobre 2000 sur France Culture