D'ANNÉE en année, la place faite aux émissions
littéraires dignes de ce nom et diffusées à
une heure décente se réduit comme peau de chagrin
sur le service public. Depuis la
suppression inepte de « Qu'est-ce qu'elle dit, Zazie ?
» en juin 1999, Frédéric Ferney reste seul à
bord
(sur La Cinquième, le dimanche à 1 heures du matin,
rediffusé le lendemain à
10 heures), pour mener en toute tranquillité et avec un
égal plaisir son "droit d'auteurs".
Les autres programmes figurent au royaume des noctambules - tels
"des mots de minuit", de
Philippe Lefait (France 2), ou la collection de Bernard Rapp,
« Un siècle d'écrivains »
(France 3), qui s' achèvera à la fin de l'année.
« Le " mieux-disant culturel ", constate Bernard Pivot
dans ses Remontrances..., a été poussé dehors
ou plus tard par le "mieux-disant social"- Les forces
de l'imaginaire onnt cédé devant la puissance d'attraction
du réel et du vécu. (...) Et l'Audi-
mat s'est saisi de l'alibi démocratique et civique, presque
patriotique, que lui offre le "lien social",
pour imposer un peu plus sa loi. Au détriment de la vie
culturelle.»
La direction de la chaîne reste évidemment encore
très discrète sur l'« après Pivot », reprenant
à l'envi
les éloges pour celui qui « est intimement lié
à l'histoire de la chaîne, et plus largement du service
public dont il a contribué à forger l'image ».
On se contente de souligner que « France2 a désormais un
an pour préparer, avec son aide, une émission culturelle
de haut niveau, alliant comme "Bouillon de
culture" exigence et excellence », et que toutes les propositions
sont les bienvenues.
Flou sur le futur immédiat et discrétion absolue
sur le futur proche, à l'heure ou le projet de la
télévision numérique hertzienne se concrétise,
avec un volant de chaînes thématiques dont une en-
tièrement dédiée aux arts et spectacles,
prévue pour la fin 2001. Un futur proche qui risque fort de ressem-
bler aux sinistres prévisions du professeur Pivot : «
Le poste ressemblera à un classeur de notaires avec
d'innombrables tiroirs. (...) Ce sera, et ça l'est déjà
pour une minorité, la télévision de la
liberté dans la profusion. Mais ce sera une télévision
personnalisée, égoiste, hédoniste" masturbatrice,
ségre-
gationniste. Ce sera la télévision chez soi du
chacun pour soi. Et il y aura un dénouement : celui du
"lien social".»