L'art roman.

"Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise..."Matthieu 16-18

L'art roman manifeste les efforts de toute une communauté appliquée à résoudre les problèmes primordiaux de construction : éclairage et voûtement.
Son origine vient à la fois des tradations romaines, sur lesquelles s'est greffé des influences celtes et orientales apportées par pélerinages et croisades.
Son évolution et son apogé vers le XI ème siècle conduira à l'art gothique au milieu du XII ème.
L'église romane est dominée par l'arc en plein cintre. La voûte de pierre peut-être en berceau ou en coupole, la voûte d'arêtes étant réservée généralement au choeur et aux collatéraux. La voûte sur croisée d'ogives apparaît dans la première moitié du XII ème siècle et triomphe dans la deuxième en Ile de France puis dans toute la France donnant ainsi naissance à l'art gothique.
La pluspart des cathédrales romanes ont disparu, soient parce qu'elles étaient trop petites, soit à cause d'un incendie ou parce qu'elles menaçaient ruine. Elles furent donc pour la pluspart reconstruite au XII et XIII ème siècle en style gothique. Les abbayes quant à elles subsistent encore très nombreuses.

La voûte correspond à l'ouvrage cintré de maçonnerie couvrant un vaisseau principal ou latéral. Voûtes en berceau en plein cintre (Farges près de Tournus) se présente en forme de demi-cylindre, ( variante : la voûte avec arc doubleaux.) Voûtes en berceau brisé : elle permet de diminuer le poids latéral sur les murs de soutènement, et d'augmenter, de ce fait, la pression vertical. Voûtes en arêtes (Saint Dié) : deux berceaux en plein cintre (donc non brisé) se croisent à angle droit. Ceci permet de renvoyer la poussée sur les quatre angles et dégage ainsi une partie des murs latéraux. Voûtes en cul de four : relie la voûte à un mur arrondi, utilisé dans les absides et les absidioles. En général, la voûte en berceau est employée pour la nef principale alors que les bas-côtés sont voutés d'arêtes.

En 1098, Robert, abbé de Molesmes, accompagné d'une vingtaine de ses compagnons désireux comme lui de revenir à la vie monastique primitive, fonda Cîteaux, dans un vallon sauvage, entre les forêts de Bourgogne et de Bresse.
L'abbaye de Prémontré, non loin de Laon, fut fondée par Saint Norbert en 1120, un peu dans l'esprit de Cîteaux. La règle de l'abbaye de Grandmont, fondée par Saint Etienne de Muret en 1078, et transportée près de Limoges en 1125, prévoyait l'organisation en petits prieurés réduits à la plus grande simplicité. Parmi tant d'autres fondations, citons Fontevrault, fondée en 1101 par Rogert d'Arbrissel. Dans la Chartreuse, créée par Saint Bruno en 1084 en Dauphiné, les bâtiments sont de la plus grande simplicité. Les coutumes qui régirent l'ordre n'ont été rédigées qu'en 1127 par le cinquième prieur général Guigues. Pour finir, les Templiers, dont Saint Bernard écrivit la règle en 1128, unissent le courage du chevalier à l'austérité du moine.

Bernon, Bourguignon de naissance, prit l'habit en 888 ou 889 à l'abbaye de Saint Martin d'Autun. Il vint rénover le vieux couvent d'hommes de Baume-les-Messieurs, puis fonder Gigny. Désigné par le duc Guillaume d'Aquitaine dit "le Pieux", comte d'Auvergne, du Velay et de Mâcon, pour créer l'abbaye de Cluny, l'abbé Bernon quitta le pays jurassien en 910, avec 6 moines de Gigny et six de Baumes. C'est le titre de gloire de ces deux monastères comtois d'être à l'origine de l'immense congrégation de Cluny et d'une église qui fut la plus vaste de toute la chrétienté. Les architectes de la grande abbatiale de Cluny, suivis par leurs émules de Paray-le-Monial et de la Charité sur Loire influencèrent les programmes des constructions voisines au cours des siècles suivant.

Si c'est Cluny qui a donné le branle de l'architecture florale et romane, le meilleur de sa sève déborda vite le cadre de la congrégation et acquis valeur universelle.
Notons que la Bourgogne possède une histoire riche non seulement sur le plan historique pur, mais aussi religieux;
D'un coté de la Bourgogne, presque aux marches de l'Auvergne, Cluny avait étendu comme une eau bienfaisante la fraicheur de sa miséricorde, le message de la paix. Aux ras des glèbes basses et grises de la Saône, Cîteaux, protégé par ses marais et ses forêts. Enfin, Vézelay au dessus d'une butte consacrée ou plane à jamais le signe de la guerre et du deuil. Cluny est mort par le crime des hommes, Cîteaux persiste aux liens qui avaient nourri son élan, Vézelay, entre deux, montre un édifice de pierre aux teintes roses du soleil levant, comme un lointain reflet d'incendie...

Une église est généralement édifiée en partant du choeur et en remontant vers la nef, pour éventuellement être terminée par un narthex. Toujours orientée dans un axe Est/Ouest, le porche vers le soleil couchant, tandis que le choeur est orienté vers l'aube, symbole de vie. Les grandes églises ont un narthex entre deux tours, une nef à collatéraux, rarement doubles, un transept et un choeur en hémicycle.

Glossaire :

abbatiale : église d'une abbaye.
basilique : Eglise bâtie sur le plan des basiliques romaines. ie rectangulaire divisé en nefs parallèles.
Abside : terminaison de la nef principale d'une église, généralement tournée vers l'Est. Art roman : Le terme roman est dû au savant Arcisse de Caumont fondateur de la société française d'archéologie en 1834, qui, le premier, tenta un classement des édifices.
Arc : Structure de soutien à profil courbe variable : arc brisé, arc de plein cintre, arc doubleaux (Vézelay)...
Chrisme : Monogramme du Christ composé des lettres X (khi) et P (rhô) entremêlées - les deux premières lettres du mot Christ en grec. Couramment employé dans l'art paléochrétien, il figurait sur l'étendard de Constantin et des empereurs romains chrétiens qui lui succédèrent. (Photo de la crypte du Panthéon)
"Je suis l'Alpha et L'Oméga, le Premier et le Dernier, le Commencement et la Fin." Apocalypse 22.13

Colonnes géminées : se dit de colonnes groupées par deux sans être en contact.
Nef : partie allongée de l'église ouverte aux fidèles, comprise entre le mur antérieur et l'entrée du choeur ou la croisée du transept.
Triforium : La nef est surmontée d'ouvertures sur un ou deux niveaux, le premier d'entre eux est appelé triforium et peut-être aveugle, avec de simples arcatures pleines ou alors, il peut s'agir d'une étroite coursière ouverte sur le vaisseau central par une suite de baies situées au-dessus des grandes arcades.
narthex : portique ou vestibule transversal à l'entrée de certaines églises.

Les écoles romanes françaises (classification réductrice et sommaire):

L'école bourguignonne est caractérisée par l'emploi du berceau brisé, de nefs surélevées et donc lumineuses. L'abbatiale de cluny en est un beau fleuron, tant par son aspect extérieur que par ses imposantes dimensions. La voûte d'arête bombée de Vézelay est également significatif de ce style. Le clocher est le plus souvent octogonal et se trouve à la croisée du transept.
L'école poitevine est caractérisée par des collatéraux contrebutant les voûtes.
L'école aquitaine regroupe trois régions : le Périgord, l'Angoumois, la Saintonge. Cette école eut recours à l'emploi des files de coupoles. Celles-ci sont souvent montées sur des pendentifs qui permettent de passer du plan carré à la structure circulaire. (Cahors, Angoulême)
L'école normande s'épanouira tant en Angleterre que sur les terres de France. Elle est caractérisée, jusqu'au milieu du XII ème siècle, non par une voûte mais une charpente. L'arc en plein cintre carractérise fort bien lui aussi cette école. Le plan curciforme est accentué, les chapelles rayonnantes sont assez rares.
L'école rhénane.
L'école provençale est caractérisée par une nef unique basse et voûtée en berceau.
L'école du centre (ou école d'Auvergne). Le clocher auvergnat est octogonal, la voûte en plein cintre de la nef est épaulée par des demi-berceaux des collatéraux.

Plan type d'église, Saint Jacques de Compostelle, Espagne. (1075)

La capitale ne dispose plus de beaucoup de monuments romans, la pluspart ont été reconstruit ou détruits suite aux assauts divers. Notons toutefois Saint Pierre de Montmartre, à côté du Sacré Coeur, Saint Martin des Champs, qui jouxte le conservatoire des arts et métiers (au sud de République) ; pour terminer, Saint Germain des Prés, la plus vieille église de Paris au clocher roman, mais dont le choeur fut reconstruit dans un style gothique.

L'ordre des Chartreux est la seule fondation érémique (??) qui, sans jamais réunir des effectifs très importants, connut un succès durable. L'ordre des Chrtreux naquit à la fin du XI ème siècle sous l'impulsion de Saint Bruno.

Pour terminer, signalons, une des rares édification du XX ème siècle qui soit admirable : l'église d'Assy, en Haute Savoie. Construite de pierre de taille de la région, et dominée par un clocher, elle est due à un Savoyard, Maurice Novarina, né à Thonon en 1907. Inaugurée en 1959, sa façade est recouverte sous le anvent d'une mosaïque de Fernand Léger;, les vitraux sont de Rouault, Braque, Matisse, Bonnard ; Derrière le baptistère, Chagall à peint des rêves d'éternité...
"Il y a deux choses dans un édifice, son usage et sa beauté; son usage appartient au propriétaire, sa beauté, à tout le monde... guerre aux démolisseurs" Victor Hugo, Revue des deux mondes, 1825.

Un peu hors sujet :
Liste (non exhaustive) des cathédrales de France :
Amiens, Somme, Notre-Dame, XIII-XVI, classement UNESCO, la plus vaste de France (8000m²).
Laon, Aisne, Notre-Dame, XII-XIII, Comtemporaine de Notre-Dame de Paris.
Reims, Marne, Notre-Dame, XIII-XV, classement UNESCO, marque l'apothéose de l'art gothique en france.
Paris, Ile de france, Notre Dame, XII-XIII, classement UNESCO, restauration au XIX par Viollet le Duc.
Saint-Denis, Seine Saint Denis, XII-XIX, ancienne abbatiale, nécropole des rois de France.
Chartres, Eure et Loire, Notre-Dame, XII-XIII, fleuron des cathédrales de France parvenue intacte.
Sens, Yonne, Saint Etienne, XII-XVI, parmi les plus anciennes du premier art gothique.
Strasbourg, Bas-Rhin, Notre-Dame, XII-XIV, classement UNESCO, facade remarquable.
Toul, Meurthe et Moselle, Saint-Etienne, XIII-XV.
Troyes, Aube, Saint Pierre et Saint Paul, XIII-XIV, abrite certains des plus beaux vitraux de France.
Auxerre, Yonne, Saint Etienne, XIII-XIV, (tour unique d'origine ou détruite?)
Metz, Moselle, XIII-XIV, vitraux remarquables.
Autun, Saône et Loire, Saint Lazare, XII (roman), Tympan du portail : jugement dernier. Chef d'oeuvre roman.
Lyon, Rhône, Saint Jean, XII-XV, un des plus beaux exemples de l'art gothique bourguignon.
Avignon, Vaucluse, Notre Dame Des Doms, XII-XVII, un des plus beaux monuments de l'art roman provencal.
Albi, Tarn, Sainte Cécile, XIII-XVI, église fortifiée en briques.
Cahors, Lot, Saint Etienne, XII-XIX, église romane.
Rodez, Aveyron, Notre-Dame, XIII-XVI, Clocher de grès rose d'une hauteur de 87 mètres.

Bibliographie :

Notons que sous le signe du Zodiaque, les moines de la Pierre-qui-Vire, en Morvan, ont présenté et expliqué les plus remarquables édifices de l'art roman.

La France des bâtisseurs.
Par Jean Autin.
Librairie Académique PERRIN.

Cathédrales et abbatiales romanes de France.
Marcel Aubert
Editions Arthaud (1965).

Florent PORTELATINE septembre 2001
Sceaux/Paris